Chimie des fluides hydrothermaux

L’eau de mer qui s’infiltre dans la croûte océanique via le réseau de failles, voit sa composition chimique se modifier via les interactions eau-roche tout le long de son trajet de circulation, avant de ressortir du plancher océanique sous forme de fluides hydrothermaux de haute température (jusqu’à 360°C). Ces fluides sont particulièrement enrichis en métaux et gaz, e.g. Fe, Zn, Cu, REE… et N2, CO2, H2S, CH4, H2… jusqu’à des facteurs 106 par rapport à l’eau de mer initiale. En 2013, un nouveau site hydrothermal nommé Capelinhos a été découvert à environ 1,5km à l’est du champ historique de Lucky Strike. Depuis dix ans, nous prélevons annuellement avec des seringues titanes étanches les fluides hydrothermaux à treize sites de décharges répartis sur l’ensemble du champ hydrothermal de Lucky Strike. Le suivi temporel de leur composition chimique a permis de mettre en évidence la particularité de celles de Capelinhos qui se distinguent de celles du champ historique par une chlorinité la plus faible (~230 mmol/l) mais une concentration en Fer dissout la plus élevée (>2.4 mmol/l) jamais mesurées à Lucky Strike.

Le suivi annuel de la composition chimique de ces treize sites permet de proposer qu’une source unique alimente l’intégralité de la cellule de circulation au champ hydrothermal de Lucky Strike et subit le processus de séparation de phase à 2500 – 2800 m sous le plancher océanique, au toit de la chambre magmatique. Une grande faille lithosphérique permet la remontée rapide de ces fluides au site de Capelinhos, avec préservation de ses caractéristiques chimiques primaires acquises au toit de la chambre magmatique alors que les fluides des sites historiques subissent un refroidissement conductif lors de leur remontée avec une perte significative d’environ 65% du Fer dissout. Le réseau de fracturation jumelé à des gradients de perméabilité de croûte océanique à la transition de la couche 2A joue un rôle prépondérant sur le chemin de circulation hydrothermale et la composition chimique des fluides hydrothermaux émis. La température des fluides et la séismicité mesurées in-situ via l’instrumentation fond de mer indiquent des évènements agissant à l’échelle de temps de l’heure jusqu’au mois. Ainsi, nous avons développé un multi-préleveur autonome et séquencé, nommé DEAFS, capable d’échantillonner mensuellement des fluides hydrothermaux sans présence humaine. Les résultats nous permettront de mieux contraindre temporellement l’impact de l’activité tectonique, sismique et magmatique sur la composition de ces fluides.

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